INTI-PUNKU
( prolongation de l'exposition au 5, rue du Mail jusqu'au 12 novembre 2022 )
Au loin se fait entendre le chant des muses.
par Elise Roche
Commissaire d’exposition : Baptiste Ozenne
À l’origine, c’est la musique qui régit la vie de Baptiste Ozenne. Au fil du temps et de ses initiations, l’art contemporain entre dans la ronde pour former la danse poétique qui fera résonner son monde. Loin d’être une simple affaire d’acquisition, la vie d’un collectionneur peut devenir, pour citer le poète Arthur Davison Ficke, « l’une des occupations les plus humanistes cherchant à illustrer par l’assemblage de reliques significatives la marche de l’esprit humain dans sa quête de beauté ». Initialement marchand d’art et collectionneur, Baptiste Ozenne se fie à son instinct. De ses voyages et de ses rencontres surgissent des projets qui font sens avec ses valeurs humanistes. Sa première collaboration avec la galerie Strouk remonte à 2016. Cette année, sur l’invitation de la galerie, il officie en tant que commissaire en nous partageant sa vision de l’art par la sélection d’artistes contemporains découverts lors de ses escales.
Littéralement, « Porte du Soleil », Inti-Punku est la porte d’accès la plus importante de la cité inca. À chaque solstice d’été, les rayons du soleil viennent transpercer ses enceintes. Elle est bien sûr aussi le symbole d’un passage, d’un renouvellement de soi, à l’image de la galerie Strouk. L’ouverture de son espace rue du Mail nous annonce sa métamorphose. Puisqu’il est processus, tout passage est à la fois un ici et un là-bas, une séparation et une adhésion. C’est donc impulsée par la volonté de rejoindre le récit du présent que la galerie soutient l’éclosion d’un autre rapport au monde qui dessinera les visions à venir. En franchissant cette étape et en invitant régulièrement un nouveau curateur, Strouk, dans son rôle de passeur, s’apprête à nous conter une histoire sensible et renouvelée de la scène contemporaine.
L’exposition présentée, comme la personnalité de Baptiste Ozenne, est transculturelle, multiple et sensible. Malgré l’importance des clivages culturels et économiques dans le monde, les formes et les idées parviennent à voyager. Les références visuelles, culturelles et spirituelles sont dorénavant partagées et diffusées partout à chaque instant. Ce nouveau métissage du territoire donne vie au premier chapitre « Inti-Punku » dont le langage, on le verra, reste universel.
L’exposition devient tissage, tirons le premier fil.
Dans cette cité rêvée, l’espace se partage selon l’origine de ses habitants, les artistes. Le territoire africain ouvre le bal au 2 avenue Matignon avec Gideon Appah, Igwe Michael et Simphiwe Ndzube. Les corps nous font face. Un essaim de magie déferle sur la ville. Le tigre et le serpent nous enjoignent à les suivre pour représenter, en la personne de Jordy Kerwick, l’Australie. Au détour du chemin, un univers cartoonesque inspiré du pop art forge un monde rêvé, celui de l’Amérique d’Austin Lee et d’Austyn Taylor. La suite de la visite nous emmène sur le continent asiatique (Takeru Amano, Roby Dwi Antono, Vivi Cho, Jang Koal, Otani Workshop) et ses visions kawaii, presque naïves des personnages qui semblent sortir d’un manga.
Certains chants sacrés naissent de ces cohabitations à la manière du duo formé pour l’occasion par Marcella Barceló et Vincent Beaurin. Continuons ce tour du monde en Iran dans l’espace 5 rue du Mail avec Mamali Shafahi. Comme un album de famille, les rangées de visages de la Norvégienne Trude Viken nous entrouvrent le rideau de l’intime. Les oeuvres de l’Anglais Alexander James et de l’Ukrainienne Dzvinya Podlyashetska forment un écho : elles nous convient à une intériorité colorée, sorte de nouvel expressionnisme contemporain. La lumière andalouse de Javier Martin nous guide vers le quartier des artistes français (Léo Caillard, Olivier Kosta-Théfaine, Prosper Legault, Anita Molinero, Lou Ros, Julien Saudubray, Valentin van der Meulen) tous singuliers dans leurs pratiques, questionnant tantôt la nature, l’image, la matière ou la cité. À l’instar du poète Pierre Reverdy, on peut dire que l’art, comme la poésie « n’est intelligible à l’esprit et sensible au coeur que sous la forme d’une certaine combinaison de mots » (…). Dans notre cas, la combinaison concerne la mise en présence d’oeuvres singulières, différentes (la scénographie) « qui en se fixant assument une réalité particulière qui rend l’art incomparable à tout autre. »
Tout voyage a un début et une fin. Dans ce musée imaginaire, émerge un goût pour les couleurs, pour une figuration qui évoque les mythologies, l’écologie et le lien entre les êtres.
« Poussez la porte, le soleil est à l’intérieur » (Paul Nougé, 1925)
Artistes:
APPAH Gideon
BARCELÓ Marcella
BEAURIN Vincent
CAILLARD Léo
CHO Vivi
DZVINYA Podlyashetska
IGWE Michael
JAMES Alexander
KERWICK Jordy
KOAL Jang
KOSTA-THÉFAINE Olivier
LEE Austin
LEGAULT Prosper
MARTIN Javier
MOLINERO Anita
NDZUBE Simphiwe
OTANI Workshop
ROBY DWI Antono
ROS Lou
SAUDUBRAY Julien
SHAFAHI Mamali
TAYLOR Austyn
TRUDE Viken
VAN DER MEULEN Valentin