On dirait qu’elle porte le feu en elle, et qu’elle le cherche partout où son regard se pose, à moins que ce ne soit d’elle qu’il jaillit. Sarah Makharine est une des photographes les plus passionnantes et prometteuses de sa génération et ces dernières années, ses portraits souvent fulgurants n’ont laissé personne indifférent. Si Sarah avait dû photographier Joséphine, ça n’aurait sûrement pas été quand elle occupait déjà le haut de l’affiche, mais bien plus tôt : elle aurait sûrement remarqué la petite fille pauvre de Saint-Louis Missouri dans les rues de New York, à la sortie d’un cabaret miteux ou juste à son arrivée en Europe, quand inconnue de tous elle fit fondre le public parisien par sa gestuelle et ses grimaces, qui brisèrent la glace des préjugés et même, provisoirement, du racisme. Faire rire reste une des meilleures façons de désarmer, et c’est avec cette idée que Sarah Makharine est partie aux quatre coins d’Europe photographier des femmes elles aussi déracinées de leur pays, des femmes en fuite, des réfugiées, souvent originaires d’Afrique, qui pour un instant, ont accepté de lui sourire, de lui faire à leur tour une grimace. Comme si c’était la dernière richesse quand on a tout perdu, comme si la facétie pouvait arrêter un instant le cours tragique des choses et qui sait, dans des cas comme celui de Joséphine, l’inverser. Les yeux qui louchent plutôt que les yeux qui pleurent, les yeux qui rient et la photographie qui s’en souvient, comme une raison tangible d’y croire.