Passionné de dessin depuis son plus jeune âge, l’artiste français BRUSK découvre le Graffiti et la culture Hip Hop en 1991. Dés lors, la ville devient son terrain de jeu et il l’arpente sans cesse à la recherche de nouveaux supports pour accueillir ses créations. Autoroutes, voies ferrées, trains, terrains vagues, friches, églises désacralisées tout est prétexte pour qu’il déploie son univers visuel délirant fait de torsions typographiques, d’explosions abstraites, de personnages ultra réalistes et de scènes d’émeutes urbaines. Diplômé de l’école des Beaux-Arts de Saint-Etienne, capable de tout peindre, de tout dessiner, BRUSK profite de ses années d’études pour s’initier à de nombreuses pratiques artistiques, passant avec aisance du design graphique au light graffiti, à la sculpture, l’installation et la réalisation de films en stop motion. En 2006, répondant à l’invitation de Bom.k, Iso et Kan, il rejoint le collectif « Da Mental Vaporz » et part à l’assaut de l’Europe puis du monde aux côtés de Dran, Gris1, Jaw, Blo et Lek & Sowat, avec lesquels il peint des murs toujours plus grands et réalise des expositions collectives toujours plus ambitieuses. Parallèlement à ses voyages incessants, BRUSK trouve le temps de poser ses bombes en atelier pour développer un travail de peintre plus intime, mêlant à ses obsessions picturales, recherche sur la forme et expérimentations sur la matière. Ses thèmes de prédilection l’amenant à s’engager pour une justice sociale et climatique. "Un après-midi de l’année 1998, alors que je venais de m’installer à Lyon pour suivre des études de Sciences Politiques, j’ai séché les cours pour partir à la découverte de la ville.
Arrivé avenue des Frères Lumière, j’ai repéré un terrain vague saturé de graffitis. Exactement le type d’endroit que je cherchais. Le coeur battant et le sac à dos plein de bombes à moitié vides, je m’y suis aventuré. Les lieux étaient déserts. Tout au fond du terrain vague, au milieu des herbes folles et des ruines, un immense portrait réaliste de Joey Star me faisait face. Du noir, du blanc, quelques touches de bleu, un peu de doré pour les dents : une palette minimale pour un rendu époustouflant. C’est la première fois que je tombais nez à nez avec le travail de BRUSK. Comme pour tous les DMV que j’ai rencontrés par la suite, cette découverte m’a quasiment donné envie d’arrêter de peindre. Trop de beauté, d’aisance, de virtuosité et de contrôle de l’outil aérosol.
Il faut dire qu’à l’époque, BRUSK était déjà le roi de la capitale des Gaules. Rues, boulevards, voies ferrées, autoroutes, usines abandonnées... son style tranchant et singulier, mélange de distorsions typographiques, d’abstractions bio-mécaniques
et de photoréalisme sous pression était omniprésent dans la ville, qu’il peigne seul ou avec son groupe de l’époque, les KMF. Bien qu’il s’en défende, cette couronne il ne l’a jamais quittée depuis, celle-ci grandissant à mesure qu’il déploie son talent et sa soif d’expérimentations plastiques vers de nouveaux supports et matériaux.
Diplômé de l’école des Beaux-Arts de Saint-Etienne, l’artiste va profiter de ces années d’apprentissage pour s’essayer à un ensemble de techniques aussi diverses que la peinture évidemment, mais aussi la sculpture, la photographie, le lightgraff, la sérigraphie, le graphisme et la modélisation 3D. À cheval entre légalité et vandalisme, évoluant entre cours académiques et free party secrètes, en peu de temps BRUSK s’est fait un nom dans l’art, ou tout du moins dans ses marges.
In Nomine Artis.
Avec le nouveau siècle et son entrée dans les Da Mental Vaporz, c’est le monde qui s’ouvre à lui, à mesure qu’il sillonne la planète en quête de murs toujours plus grands, d’expositions toujours plus ambitieuses et de projets artistiques toujours plus insensés.
Europe de l’Est et de l'Ouest, Amérique du Nord et du Sud, Moyen- Orient, Maghreb, Australie, Asie, Inde... BRUSK pose ses bombes, pinceaux et poscas partout où il l’entend, déployant un art de plus en plus figuratif sur des centaines de milliers de mètres carrés. Mais que faire une fois que l’on retire ses bottes de sept lieues ? Comment se réinventer au moment de prendre le chemin de l’atelier ? Pourquoi choisir la peinture alors que l’art contemporain a décrété que celle-ci était morte? Quelle idée de revenir aux fondamentaux les plus classiques de l’art, à savoir le dessin, la toile et la sculpture, alors que l’on vient de la rue et des fantasmes que drainent l’étiquette d’artiste “urbain” ?
Si comme tous les graffeurs de sa génération, BRUSK a grandi dans le culte des pionniers du mouvement, les Dondi, Futura, Delta et Rammelzee, avec les années, la paternité et l’accession a une forme de maturité, son horizon s’est émancipé. Il n’est plus question pour lui de rendre hommage au graffiti dans ses travaux mais d’embrasser l’histoire de l’art dans sa globalité. À mesure qu’il s’immerge dans la vie d’atelier, BRUSK va chercher à créer des ponts entre sa pratique intime de la peinture et les fresques de Lascaux ou de la Renaissance, les chefs-d’œuvre de l’impressionnisme, de l’abstraction d’après-guerre, du surréalisme et du Pop Art. C’est cela que donne à voir “In Nomine Artis”, nouveau corpus d’oeuvres patiemment créées pendant l’année et présentées pour la première fois dans les espaces de la galerie Laurent Strouk. Puisqu’il ne s’agit pas juste de reproduire stérilement les travaux des anciens, l’hommage se double d’une critique féroce du monde moderne, chaque toile, esquisse et sculpture se faisant l’écho des préoccupations sociales, humaines et philosophiques que l’artiste partage avec Emma, sa compagne, muse citoyenne et écologique.
Prises individuellement, ces oeuvres semblent répondre aux questions que nous nous sommes tous posées en visitant les allées des musées et galeries d’ici et d’ailleurs. S’il vivait aujourd’hui, Monet aurait-il placé son Déjeuner sur l’herbe sur les bords d’une rivière polluée ? Aurait-il fait figurer des canettes de soda vides et des emballages plastiques souillés au milieu des Nymphéas ? Van Gogh aurait-il peint des tournesols génétiquement modifiés, gorgés de glyphosate ? Picasso aurait-il réalisé un autre Guernica pour dénoncer la sixième extension de masse que nous traversons actuellement ? Enfin, quand le capitalisme aura dévoré toutes les ressources naturelles, pollué toutes les nappes phréatiques et réduit le vivant à sa portion congrue, retournerons-nous vivre et peindre dans les grottes ornées d’où nous venons ? Si tel est le cas, une fois de plus BRUSK aura une longueur d’avance sur tout le monde, tant sa pratique puise ses origines et sa force dans l’art pariétal des temps anciens.
Sowat
Da Mental Vaporz