ENNEMIS FAVORIS
Catherine et Frédéric SOFIA échangent, partagent, bâtissent leurs envies de découvertes, de construction, de fantasmes à portée de main et d’esprit. Ils réinventent, rendent hommage, marquent, détournent, se réapproprient sans relâche.
Les sujets s’imposent d’eux-mêmes avec évidence, savoir-faire et humour, souvent grinçants. Sémillants incongrus, écervelés de genre humain échevelé, travaillés main, les morts de FC SOFIA chantent, paradent et vibrent. Ils ricanent à pleines dents, individualités ornées d’affriolants ornements et atours précieusement sertis, multicolores et scintillants.
Mariage de déraison du feu et de l’eau, les méduses sont de retour, toujours à la traîne. Elles paradent en cortège, sacrilège, bonheur d’enfants, d’honneur accrochés en grappes. Comètes aquatiques suivies à la trace, millénaires urticaires offertes sous plexiglass.
Le fétichisme est un plat qui se mange chaud. Jambes et courbes interminables des femmes d’acier aux parfaites silhouettes avenantes, cambrées, échafaudées comme un bon coup, transpirent de désir et posent à l’envie.
Silencieusement, insidieusement, la peau parle attire ou repousse. Elle révèle ses secrets au compte-goutte à la sueur des émotions, à l’odeur des corps qui passent comme le temps, à la caresse des jours incertains. Le cuir mort et vivant se façonne, s’humanise en face noire cachée. Gainsbourg faisait chanter les dessous chics et laissait sans voix ses muses et admirateurs conquis. Mieux qu’une chanson FC SOFIA apprivoise les sens, balade le plaisir, le lisse pour mieux le faire glisser, fonte au sable et terrains émouvants s’insinuent, pénètrent avec noblesse les feux follets de l’amour. Le froid polissage couve ses secrets d’alcôve aux éclats raffinés, serpente harmonieusement, possible sens interdit dangereux comme une drogue douce et vénéneuse. Appartenance au groupe et individualisme, ennemi public adoré, non conformisme de mise et créatures de tortures se nourrissent de codes et d’esthétisme complexes. Punks aux perfecto cloutés, crêtes, piercing, tatouages, bracelets de force et molosses à colliers étrangleurs s’invitent, s’inventorient en déclinaisons d’agressives splendeurs, extrêmes et spectaculaires décadences antisociales. Coiffure, look, souffrances affichées ou beautés pernicieuses, une mécanique du fric formate les impératifs standards sans cesse renouvelés, déclinés, réinterprétés. Cette dictature de velours et d’aiguilles cousue de fil blanc, cette vision de vison, poil de la bête à plumer, se joue d’artifices, d’appâts et convoitises. Ces injonctions sexuées et prises de marques aux subliminaux coups de griffes s’imposent en produits design et graphiques chic, packaging mis au parfum. FC SOFIA décortique la tendance avec expérience, pertinence, délicatesse et tendre bienveillance. Piqués de Picasso, mise en selle, mise en scène, guidés par le guidon, ils foncent tête baissée sur le taureau maté à mort, trophée charnel et pique adorée. L’impérieux besoin, la possession, l’uniformisation par mimétisme s’interprètent en autoportraits. Ours et lapin, homme et femme se déclinent en cœurs sécables, compressions de comprimés pour mal de vivre et soif d’aimer. L’existence relève du potentiel danger permanent et chaque profonde amitié, chaque rencontre, chaque favori, chaque élu recèle une rivalité intrinsèque, une altérité aux compatibilités aléatoires et versatiles. FC SOFIA prend des raccourcis, capture ses fulgurances, conjugue intelligemment, idéalise poétiquement, standardise brillamment et fait superbement tomber les masques avec fracas, dévisageant sans retenue et en beauté. Catherine et Frédéric SOFIA repoussent la fatalité de ces vies réinvesties, les accouchent, les nourrissent et les laissent à la libre appréciation de tous selon leurs caractères et l’intuition personnelle de chacun. Toutes ces faces déclinées, acidulées, carrossées, maquillées, maculées s’affichent en famille, superbes faux frères et sœurs flamboyants, germains miroirs, lumineux cousins lustrés de nos élucubrations. Nous sommes tous ces ours attirés par le miel, ces lapins sautillants de brèves jouissances, ces souris renifleuses affamées du fromage d’autrui.
FC SOFIA invite intensément avec intelligence et séduction à son festin de formes, de matières et de couleurs attirantes, dynamitées et prêtes à la perpétuelle bataille des sens. Détestation et amour, haine et désir, frustration et plaisir, guerre et paix, conscience et instinct, paroles et silences, s’installent nuit et jour à la table et dans le lit des ennemis favoris.
Jean Corbu