Après des études aux Beaux Arts de Reykjavik de 1949 à 1951, puis à l’Académie d’Art d’Oslo, Erró part apprendre la mosaïque en Italie. Il s’installe à Paris en 1958 et grâce à sa rencontre et son amitié avec le poète et plasticien Jean-Jacques Lebel il côtoie les Surréalistes. Il s’initie alors au collage qui sera la base de toute sa démarche car il désire jouer avec les images, les détourner de leur quotidienneté banale pour les insérer dans un contexte méticuleusement préparé. Les représentations perdent leur sens original, se plient à l’histoire que l’artiste leur fait jouer et c’est cette vision nouvelle dans ce contexte inédit qui s’impose aux spectateurs. Erró puise dans l’iconographie de la culture savante comme de la culture de masse. Il collecte ses images dans tous les continents et ses séries mettent en scène tous les milieux à toutes les époques. Il puise dans les bandes dessinées, les photos de presse, les livres scientifiques, les clichés de la NASA, les catalogues d’expositions, les reportages de propagandes, les chefs d’œuvres de l’art, les prospectus de voyages, les portraits de vedettes et d’hommes politiques... Ces documents imprimés sont ses « provisions » et comme William Burroughs il peut dire « Images, millions of images, that’s what I eat ! ». Son atelier est une véritable agence de presse dans laquelle il est le chroniqueur omniprésent, le reporter qui rassemble toutes les représentations du monde pour en proposer une synthèse inédite. En 1963 quand il se rend pour la première fois à New York il rencontre les artistes du Pop Art : Rauschenberg, Rosenquist, Oldenburg, Warhol... et découvre des supermarchés démesurés et des fast-foods pantagruéliques. A partir de là, dans ses « Scapes », il tourne en dérision une société de l’hyper-abondance. Ce sont des toiles foisonnantes consacrées chaque fois obsessionnellement à un seul sujet : la nourriture, les voitures, mais aussi pêle-mêle les cartes de Saint Valentin, les Eskimos, les oiseaux, les poissons, les voitures... D’un point de vue formel, ses « Scapes » présentent une sorte de all-over figuratif dans l’esprit des all-over abstraits de Jackson Pollock. Dans sa boulimie visuelle Erró n’est jamais rassasié et c’est avec démesure qu’il sélectionne sa profusion d’images récupérées. Il les assemble et les transpose ensuite sur la toile à main levée pour terminer par l’épiscope en recherchant un intérêt esthétique incontestable. Il détaille : « Parlant des événements au jour le jour, je cherche à témoigner d’un moment, d’un état fugitif de la société, avant que les faits ne disparaissent par amnésie collective. » Avec gravité et humour à la fois, l’artiste met en scène tous les grands sujets de la société : dérive du politique dont il dénonce les excès pervers, consommation de masse, obsession du sexe, barbarie des guerres, Révolution culturelle en Chine, Révolution à Cuba, Guerre Froide, conflit Israélo-Palestinien... Reconnu de manière internationale, figure majeure de la Figuration Narrative, il déclare : « A mes yeux, la Figuration narrative doit procéder par galaxie d’images, sans jugement moral ou politique. Parfois l’envie est forte de composer d’amples espaces, bourrés d’informations, où il y aurait même une ville entière... La peinture est une espèce de voyage à travers les formes, les espaces, les styles et non la défense d’un territoire formel précis. » Cette passion pour le recyclage s’exprime dans ses compositions encyclopédiques, sursaturées d’informations et de couleurs, marquées par l’extrême complexité de la composition et porteuse d’une forte efficacité critique. Derrière la citation, le pastiche, le détournement, ses œuvres sont chargées d’un certain sens moral, d’une véritable dimension politique même si dans la radicalité de son geste il ne veut jamais être pris comme un artiste militant. Ses tableaux se lisent comme les vanités contemporaines d’un enlumineur éblouissant qui bien avant l’ère du tout numérique préfigure l’extrême présent des informations instantanées d’Internet.