GÉRARD SCHLOSSER


En parallèle à des études d’orfèvrerie à l’Ecole des Arts appliqués de Paris de 1948 à 1951, Gérard Schlosser s’initie à la sculpture. Après avoir assisté en 1953 à la représentation d’En Attendant Godot, mis en scène par Roger Blin, il décide de se consacrer définitivement à la peinture. L’impression profonde laissée par cette découverte théâtrale va se traduire directement sur ses toiles par deux composantes qui resteront pour toujours sa marque : la phrase qui sert de présentation à chaque œuvre, et une focale toute personnelle, le gros plan. Quand chez Becket, Vladimir mange un radis sorti de sa poche, Schlosser va  retranscrire ce détail de mise en scène dans un tableau de 1963 intitulé : «  J’aime mieux les radis ». Les titres de ses œuvres seront souvent comme des clins d’œil dérisoires et personnels aux répliques de la conversation « métaphysique » des deux clochards sur les planches : «  On n’y sera jamais à minuit », « Tu lui en as parlé », « Je ne me souviens pas », « Mais, si, tu les connais », « Il devait me répondre aujourd’hui »... Les codes techniques partent d’une trame narrative plus ou moins suggérée par des fragments, des bouts de conversations tirés du quotidien, prosaïques, équivoques ou souriants. Ces lambeaux de phrases laissent aux spectateurs l’envie de prolonger la peinture pour se raconter une histoire personnelle où chacun est libre de faire revivre, en dehors du cadre, ses citations de vie, ses éphémères passages du temps. Le contenu politique de l’œuvre est allusif et éclaire de façon tendre l’observation de la vie quotidienne des gens de peu. Si la démarche de l’artiste ne se veut pas une arme militante, paradoxalement, ses représentations des loisirs ou de l’oisiveté, d’un univers familier et intime, du désir et de l’attente donnent une puissance sociologique à cette peinture du temps figé comme au cinéma, un arrêt sur image.  Dans la pratique de son art Schlosser a mis en place un véritable protocole : quand un sujet s’impose à lui, il commence par le photographier en noir et blanc. Il va utiliser ses tirages photographiques à la manière de véritables dessins préparatoires comme il le ferait avec des croquetons au fusain. A partir de ses prises de vues, de sa réflexion sur la lumière, il compose une narration claire en découpant, en morcelant, en ne gardant que les fragments utiles pour la mise en forme de son projet. Il n’utilise pas la photographie telle quelle mais malaxe différents clichés puis juxtapose des visions prises avec des profondeurs de champs différentes. Ces photomontages, mis en place et collés par des sparadras élaborent une nouvelle image qui fixe les choix du peintre et sera projetée par l’épiscope sur la toile pour la finalisation au pinceau. L’œuvre va au-delà des apparences, nous introduit dans l’intimité de la création artistique en visant une véritable mise en abyme de la peinture comme dans sa série de 2017 en hommage à Fernand Léger. 
A la manière des fresquistes, le support est apprêté de sable remarquablement fin qui est badigeonné avant toute peinture acrylique, cette matière mate qui ne fait pas miroir et qui s’accroche mieux à la toile sablée. Il précise : « Chaque grain semble ajouter de la profondeur dans son modelé par l’assemblage de son ombre et de la lumière ». En renonçant au tracé cerné d’une netteté un peu artificielle, Schlosser traite les volumes d’une façon photographique. Ce qui est hors-champ est laissé à l’invention du spectateur et à partir des détails chaque regardeur participe de façon active pour se laisser aller à ses méditations, à ses rêves. Les fantasmes, l’excitation, l’attente, l’ennui, les silences, la tristesse, la joie, le repos, les vacances, le plaisir, la nature sont magnifiés dans ses ruptures d’échelle, dans ses cadrages originaux. Le peintre aime souvent s’attarder sur des femmes à la nuque dévoilée. Il nous prive de leur visage comme si en regardant ses tableaux, on se mettait soi-même en scène. Les plans rapprochés font alors des spectateurs des voyeurs en puissance qui partagent des moments de détente, des instants précieux, des minutes d’intimité de la vie de ces créatures de fictions, devenues par l’art de Schlosser, miroirs de chacun. 
LIRE PLUS

Né en 1931


Visuels

GÉRARD SCHLOSSER

Chez Serge le 2 septembre, 1968 - 1971

Acrylique sur toile sablée

97 x 130 cm | 38.1 x 51.1 in.

VUE D'EXPOSITION-GÉRARD SCHLOSSER-2017


Publications
Catalogue d'Exposition

CUT & CLASH, 2024

Catalogue d'Exposition

Un doute radical, 2023

Catalogue d'Exposition

Publication , 2017

Catalogue d'Exposition

GÉRARD SCHLOSSER / 2013, 2013


Media